Aux éminents Archevêques et Métropolites,
Aux Evêques, Révérends Pères et aux vénérables ordres monastiques,
A mes frères et sœurs bien-aimés tant en Ukraine qu’en terres d’accueil
Gloire à Dieu au plus haut des cieux
et paix sur la terre aux hommes qu’il aime !
Luc, 2,14
Le Christ est né ! Louons-Le !
L’Evangéliste Luc nous rapporte les mots que l’Ange, apparu aux bergers, prononça : « Rassurez-vous car voici que je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le peuple : aujourd’hui, dans la cité de David, un Sauveur vous est né qui est le Christ Seigneur ! » (Luc, 2, 10-11). Joie de la Nativité du Christ, l’annonce de la naissance du Fils même de Dieu dans un corps d’homme descend aujourd’hui sur terre tel un puissant éclat de l’auréole éternelle.
Le Christ est né ! C’est par ces paroles que les puissances célestes ont réjoui les bergers qui veillaient la nuit sur leurs troupeaux de moutons. Le christ est né ! Cette nouvelle a transformé la nuit en jour, la tristesse en joie, l’attente de l’espoir en sa réalisation. Le Christ est né ! Cette joie qui vient du ciel incite la personne à agir : à chercher Dieu éternel dans l’enfant nouveau-né, à Le servir comme elle sert son prochain, à partager cette joie avec les autres.
Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’Il aime !
Ce sont les termes de la Liturgie céleste, dans laquelle les chœurs des anges glorifient Dieu pour son amour envers les hommes. Les bergers, en devenant participants et témoins de cette réalité qui n’est pas terrestre, prennent connaissance de la véritable cause de la joie de Noël. Un Sauveur est né, et en Lui se révèle l’essence de notre foi—foi en l’amour miséricordieux de Dieu pour ses créatures, qui nous fait hommes par Sa volonté.
C’est pourquoi ce chant céleste concerne chacun de nous ! Les anges glorifient Dieu dans les cieux parce qu’Il aime les hommes de toute éternité et qu’Il veut le bien de l’humanité. Il est notre plus grand bienfaiteur. L’amour éternel et vivant de Dieu le Père pénètre l’histoire du monde, s’incarne dans la personne de son Fils bien-aimé, né aujourd’hui à Béthléem. L’Evangéliste Jean nous instruit ainsi de l’amour de Dieu : « En ceci s’est manifesté l’amour de Dieu pour nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par Lui. En ceci consiste son amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais Lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés. » 1°Epître de Jean, 4, 9-10
Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur terre aux hommes qu’Il aime…
La paix est l’une des manifestations essentielle de l’amour de Dieu pour l’homme. Ce n’est pas en vain que les prophètes de l’Ancien Testament prophétisaient que la venue du Messie sur terre apporterait avec elle la paix, offrirait aux hommes amour et justice, écarterait tout mal ainsi que la haine, renouvellerait l’harmonie et l’accord universels. Et voici que nous entendons aujourd’hui que le Christ, Prince de la paix, Roi éternel, sur les épaules de qui reposent la puissance et l’honneur, celui-là même qu’Isaïe a annoncé, est enfin né. La paix qu’apporte le Seigneur ne signifie pas trêve temporaire ou simple absence de guerre. L’homme obtient la paix véritable seulement lorsqu’il se réconcilie avec Dieu et qu’il s’unit personnellement à Lui. Jésus nouveau-né unit et réconcilie en sa personne Dieu et l’homme. Et en conséquence d’une telle union et réconciliation, le Christ devient source de paix pour toute la terre. L’apôtre Saint Paul nous apprend que le Christ —est « notre paix, Lui, qui de deux n’a fait qu’un, détruisant …la haine, —par son corps. » (Epître aux Ephésiens, 2-14)
Que le peuple de Dieu a longtemps attendu cette paix que le Christ a apportée dans sa Nativité. Avec quelle impatience les bergers ont accouru à Béthléem et avec quelle difficulté les rois d’Orient ont cheminé vers la crèche. Et, comme ils ont été, sans doute, déconcertés de trouver la paix si longtemps attendue non dans le pouvoir d’un souverain terrestre, non dans la ruse d’un diplomate officiel, non dans la force d’une armée bien équipée, mais dans la tendresse d’un nouveau-né sans domicile. Davantage encore, le Roi prophétisé devint au moment de sa naissance un émigrant et un exilé, fuyant la persécution du roi Hérode. L’étonnante Sagesse de Dieu dans le mystère de la Nativité nous apprend que l’amour de Dieu, la paix céleste et la gloire nous approchent lorsque nous nous inclinons devant le dernier d’entre nous, que c’est dans le service à la personne dans le besoin que nous rencontrons Dieu.
Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime !
Avec l’aide de Dieu, nous avons survécu un an de plus encore — un an de guerre encore. Les souffrances de notre peuple ne se sont pas terminées, les épreuves ne sont pas parvenues à leur terme. Pourtant nous avons résisté et nous allons de l’avant ! Devant le monde étonné, nous avons tenu debout au milieu la peine incommensurable de nos pertes, du sang et des larmes. Dans ces conditions de guerre, nous avons réinterprété la valeur et la signification des mots « paix » et « miséricorde », « courage » et « humanité », « dévouement » et « responsabilité ». Nous avons expérimenté ce qu’était réellement la ferveur dans la prière. Ayant découvert la force de la prière, avec le monde entier, nous implorons Dieu sincèrement et avec persévérance pour la paix.
Le chemin vers la paix est devenu pour nous chemin vers notre prochain. Nous apprenons à être solidaires. Nous apprenons à percevoir les besoins de nos soldats sur le front comme nos propres besoins. Nous apprenons à nous inquiéter de la souffrance de ceux qui ont perdu de la famille et des proches, de la souffrance des blessés et des prisonniers comme si elle était notre propre souffrance. Au milieu de privations toujours plus grandes, de la gêne économique, d’une corruption toujours aussi présente dans tous les domaines et d’une gestion politique insuffisamment efficace, nous n’avons pas perdu notre empathie pour notre prochain, nous sommes devenus plus responsables et plus courageux dans la revendication de notre propre dignité, nous continuons à partager ce qui nous reste avec nos nécessiteux : ce que nous avons , ce que nous savons et avons appris, ce en quoi nous croyons —et ce que nous sommes. Le chemin de notre victoire dans le Christ repose sur ce qui unit, ce qui réconcilie et fait de nous une communauté. La solidarité, l’empathie et la confiance nous donnent l’espoir en Dieu et nous ouvrent le chemin véritable vers la paix.
C’est dans cette solidarité du peuple dans la foi, l’espérance et l’amour que nous percevons la présence vivante de Dieu parmi nous, Sa véritable naissance sur notre terre. Le chemin vers le prochain est devenu pour des millions d’Ukrainiens chemin d’amour de Dieu. On peut affirmer que dans cet étrange amour de Dieu pour nous, que dans cette solidarité nous avons trouvé la clé de la victoire. Car, comme nous l’enseigne l’apôtre Paul, « si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Epître aux Romains, 8-31)
Célébrons ce Noël avec les réfugiés, avec ceux qui ont perdu des êtres proches, leurs biens et leurs maisons. Qu’en cette Sainte année de la miséricorde de Dieu, les portes ouvertes de nos maisons aux nécessiteux se transforment, selon les paroles du Pape François, en portes de la miséricorde de Dieu. Alors, sur tous ceux qui les passeront, se déversera l’amour miséricordieux de Dieu qui pardonne nos fautes, guérit les plaies du corps et de l’âme, transforme notre tristesse en joie, et rend tout ce qui est faible, fort et invincible.
En accueillant les réfugiés, les pauvres et ceux qui souffrent, nous accueillerons dans notre foyer, dans nos familles et dans notre maison commune le Fils de Dieu lui-même —Source de la paix de Dieu. Ne leur demandons pas quelle langue ils parlent, quel temple ils fréquentent ou quelles sont leurs convictions. Intéressons-nous plutôt à ce qui leur fait mal, demandons-leur où sont leurs proches, et comment nous pouvons les servir. Par notre prière et nos actes de miséricorde, approchons-nous avec eux de la crèche où repose le Christ. En eux, nous pouvons accueillir le Sauveur nouveau-né. C’est ainsi que nous parcourrons le chemin de la réconciliation avec Dieu et nos frères et sœurs, que nous apporterons la paix de Dieu sur notre terre ukrainienne qui souffre tant.
En ce jour d’allégresse, fête radieuse de la Nativité du Christ, je vous présente à tous, bien-aimés en Christ, mes cordiales salutations. Je souhaite apporter cette joie dans chaque demeure, dans chaque abri sur le front, dans les hôpitaux où sont soignés les blessés, dans les logements des centaines de milliers de frères et soeurs forcés à changer de territoire, qui en Ukraine, qui en exil —à vous tous, je souhaite transmettre aujourd’hui une parole de paix et d’espoir dont la source est la naissance du Christ.
Avec l’annonce de la Nativité du Christ Jésus, je veux rendre visite à tous ceux qui ont ouvert les portes de leur âme à Dieu et à leur prochain, et passer les Portes de la miséricorde de Dieu avec vous, en cette année Sainte. Partageant la joyeuse nouvelle de la naissance du Christ-Seigneur, j’aspire à serrer la main courageuse de nos soldats qui défendent Noël, à consoler ceux qui sont dans la tristesse, à essuyer les larmes de ceux qui pleurent, à conforter la foi dans la victoire du bien sur le mal, de ceux qui doutent.
Me tenant aujourd’hui devant le trône de Dieu, je ressens une solidarité extraordinaire avec toute la grande famille de notre église, rassemblée au banquet du Seigneur ici, sur terre, et celle dans la gloire de Dieu, dans les cieux. Que le Sauveur nouveau-né entende toutes nos prières, qu’Il préserve note peuple et notre pays dans la paix et le bonheur et qu’Il répande sur nous la bénédiction céleste.
Joyeuses fêtes de la Nativité du Christ, délicieuse kutia et heureuse nouvelle année !
Le Christ est né ! Louons-Le !
+ SVIATOSLAV
A Kiev,
En la cathédrale patriarcale de la Résurrection du Christ,
En ce jour du Saint apôtre André ainsi nommé,
En ce début de l’année jubilaire de la miséricorde de Dieu dans l’église gréco-catholique ukrainienne,
Le 13 décembre 2015