Nathalie Pasternak, une lumière s’est éteinte…

Par Galia Ackerman

http://comite-ukraine.blogs.liberation.fr/2016/01/06/nathalie-pasternak-une-lumiere-sest-eteinte/

Le 4 janvier 2015, Nathalie Pasternak, âgée de cinquante ans, est décédée après une très longue et pénible maladie. D’ascendance ukrainienne, celle que tout le monde appelait par son prénom ukrainien, Natalka, est née en France, a fait des études d’histoire, a enseigné dans une école. Elle était mère de trois enfants, Demian, 17 ans, Lily, 14 ans et Ivan, 8 ans.

Le cœur de cette femme extraordinaire a toujours battu pour l’Ukraine. La patrie de ses ancêtres, avec son passé tragique, peu connu en France, avec son présent, tumultueux et héroïque, était au centre de ses préoccupations. Devenue présidente du CRCUF, Conseil Représentatif des Communautés Ukrainiennes de France, pendant la révolution Orange de 2004, Natalka a pu changer l’existence un peu somnolente de ces communautés : ces Français d’origine ukrainienne, comme elle, et de très nombreux immigrés qui ont choisi de vivre en France. Dès la révolution Orange, Natalka a milité pour une meilleure compréhension de l’Ukraine en France, notamment celle des enjeux de son combat pour la liberté et la dignité. On lui doit de nombreuses initiatives, comme l’organisation de l’envoi d’observateurs internationaux en Ukraine durant diverses élections. On lui doit un combat incessant dans les médias français, en particulier depuis l’Euromaïdan fin 2013, pour s’opposer aux mensonges de la propagande russe et de ceux qui la soutiennent en France, et raconter la vérité. Nous sommes nombreux à nous souvenir de ses interventions flamboyantes et passionnées sur diverses chaînes de télévision. On lui doit l’organisation de nombreuses manifestations, marches, meetings en soutien à la « Révolution de la dignité » en Ukraine, pour protester contre l’occupation russe de la Crimée et la guerre dans le Donbass, fomentée et soutenue par le régime Poutine. On lui doit la création de l’excellent site d’information du CRCUF, et tant d’autres choses. L’Etat ukrainien a reconnu les mérites de Natalka. En 2013, elle a été décorée de l’ordre de la reine Anne et on lui a décerné le prix Grigori Orlik.

C’est à l’occasion d’Euromaïdan que j’ai réellement connu Natalka. Sa bienveillance, son énergie, son inventivité, sa force, celle d’une vraie combattante, m’ont aussitôt subjuguée. Lorsque j’avais besoin de quelque chose, notamment dans le cadre du fonctionnement du Forum Européen pour l’Ukraine, je savais qu’elle m’aiderait toujours. Un petit exemple. Déjà gravement malade, subissant une chimiothérapie, elle est venue au colloque sur « L’usage de la Seconde guerre mondiale dans le discours politique russe », que nous avions organisé en avril 2015 à Sciences-Po, à Paris, pour gérer des tâches logistiques. C’était sa nature : aider, de façon complètement désintéressée, et faire bouger des choses. Je l’ai vue pour la dernière fois en décembre 2015, pendant son séjour dans une clinique à Neuilly. Elle était déjà très fatiguée, et l’on pouvait craindre l’approche de l’issue fatale. Et pourtant, nous avons passé près de deux heures à parler de l’Ukraine, des réformes, des craintes d’une nouvelle agression russe. Elle savait que l’Ukraine portait un fardeau – hérité de la propagande soviétique –, celui de la question juive. Et son visage s’est illuminé, lorsque je lui ai dit que le Forum Européen pour l’Ukraine avait l’intention d’organiser un colloque sur ce problème épineux. Car Natalka était toujours en quête de la vérité, et elle savait qu’une discussion honnête et équilibrée sur les relations millénaires entre les Ukrainiens et les Juifs ne serait que bénéfique pour l’image de son pays.

Ce combat lui donnait la force de continuer de vivre. Elle savait qu’elle était indispensable, et il fallait donc qu’elle résiste. L’autre raison, c’était son mari, Jean-Pierre, et ses enfants. Son fils cadet, Ivan, n’avait que quelques mois quand son cancer a été découvert. Elle était une excellente mère, et elle voulait tellement élever ses enfants, les voir grandir. Quand on a des raisons fortes pour résister et qu’on a la foi (Natalka était croyante et pratiquante), on acquiert une endurance hors commun. Se sachant près de la fin, Natalka, me raconte son amie Alla Lazareva, a promis à ses enfants qu’elle passerait les vacances de Noël entièrement avec eux. Elle a tenu sa promesse : le 4 janvier au matin, les enfants sont partis à l’école, et Natalka a demandé à son mari de la faire transporter à la clinique. Hélas, aucune endurance n’est éternelle.

Natalka était un être lumineux, généreux, désintéressé. Sa perte est irremplaçable. Ceux qui ont eu le bonheur de l’avoir connue se souviendront toujours de cette femme extraordinaire. Que la terre lui soit douce. Et que le combat pour l’Ukraine continue !