MESSAGE PASCAL des Évêques de l’Eglise gréco-catholique ukrainienne en Europe occidentale

« Le Christ est ressuscité des morts,

Par la mort il a vaincu la mort,

À ceux qui sont dans les tombeaux,

Il a donné la vie »

Tropaire de la Résurrection du Christ

 

Chers frères et sœurs en Christ !

 

« Le Christ est ressuscité des morts » 

Aujourd’hui, dans divers points de notre patrie, ainsi que dans nos petites et grandes communautés dispersées à travers le monde, résonne le triomphant « Christ est ressuscité ».  Ces mots remplissent le cœur de joie, de paix et d’espérance.

Pourquoi ? Pourquoi donc nous réjouissons-nous de la résurrection du Christ ? Quelle est la raison qui nous conduit à étudier en profondeur des évènements vieux de 2000 ans et à les reproduire dans nos offices ? Que célébrons-nous au juste aujourd’hui ?

 

« Par la mort, il a vaincu la mort »

 Pour ressentir pleinement et vivre profondément la joie de la Résurrection, nous devons nous plonger dans le mystère de la mort du Christ sur la croix, dans celui de notre propre mort et de celle de nos proches. La mort n’est pas une abstraction, elle nous touche directement, « car toute chair est comme l’herbe, et toute sa gloire comme la fleur de l’herbe. L’herbe sèche et la fleur tombe » (1 Pierre 1,24).

Au XXIe siècle, dans la civilisation occidentale, les gens sont de moins en moins capables de faire face au phénomène de la mort. Ils écartent et remarquent de moins en moins cette dernière. Lors des funérailles, la mort est embellie, maquillée, masquée et dissimulée grâce aux services funéraires. Le corps de la personne défunte se trouve dans un établissement approprié, et l’enterrement est organisé de façon à traumatiser le moins possible les gens, et surtout les enfants, que l’on laisse de moins en moins s’approcher de la mort.

Et il apparaît que le phénomène de la mort n’a pas de place dans le monde des vivants. Les gens sont gagnés par l’illusion d’avoir le contrôle sur la mort, sur ses horribles manifestations et sur leurs pensées.

Se souvenir de la mort n’est pas à la mode. Ces pensées sont habilement filtrées et enfouies. La plupart d’entre nous vivent sans penser au fait que nous sommes tous assis dans un train dont les rails mènent inéluctablement à l’abîme, à la mort. Le point d’arrivée nous est bien connu, mais nous ne regardons même pas dans cette direction que nous essayons d’oublier. Nous vivons comme si la mort n’existait pas. En cela, la société occidentale contemporaine ressemble à un enfant qui, lorsqu’il a peur, ferme ses paupières, cache ses yeux de ses mains et affirme : « Je ne suis pas là ». Nous nous détournons de la mort dans cette persuasion enfantine, convaincus que lorsque l’on ne s’y prépare pas et que l’on n’y pense pas, la mort passe, ne vient pas et ne nous remarque pas.

Aujourd’hui, nous avons une mauvaise nouvelle pour ces enfants-là : rien ne passe, la mort était, est et restera réelle, dégoutante, terrible, douloureuse et injuste. Notre vie est pleine d’incertitude, mais il est avéré qu’elle s’achève par la mort.

Durant la semaine qui précède la Résurrection, nous nous immergeons dans le mystère de la mort du Christ et dans les sentiments qui le précèdent. Nous voyons tout ce que nous vivons de manière si vive dans notre vie : la trahison, la peur, l’anxiété, l’injustice, la douleur, le désespoir, et en même temps, nous percevons le soutien, la miséricorde, l’empathie. Cette semaine est un condensateur de vie. Et elle s’achève par la mort, par une terrible mort sur la croix. Les évangélistes nous décrivent de façon détaillée les souffrances du Christ, sa douleur et son agonie. Durant cette semaine, la réalité de la mort ressurgit dans notre vie.

 

« À ceux qui sont dans les tombeaux, il a donné la vie »

Mais les mauvaises nouvelles s’arrêtent là. En révélant la réalité de la mort par Sa mort sur la croix, Dieu nous ouvre les portes sur une toute autre réalité, celle de la vie éternelle : « Ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’œil n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment » (1 Corinthiens 2,9).

Nous avons été créés pour vivre éternellement !

Et ce n’est pas une illusion, encore moins un jeu de cache-cache de l’humanité, c’est une vérité fondamentale sur l’homme. Une vérité plus grande, le véritable reflet de notre vie.

Cependant, lorsque nous rompons le dialogue avec Dieu, ce dialogue qu’il nous invite à avoir avec lui, alors nous perdons la foi en la vie éternelle, et pouvons aussi être amené à perdre la vie éternelle avec Dieu, à laquelle nous sommes appelés.

Le Seigneur désire vraiment que nous vivions, et que nous vivions avec lui dans son Royaume. Dans l’évangile selon saint Jean, Jésus explique ainsi sa venue sur terre : « Moi, je suis venu pour que l’on ait la vie et qu’on l’ait en surabondance » (Jean, 10,10). C’est pour cela qu’Il est mort sur la croix. Il est mort pour que nous vivions. Il est mort pour vaincre et détruire notre mort. Cette mort que nous appréhendons tant et que nous ne remarquons pas, n’est pas un phénomène abstrait.

Il a vaincu la mort, c’est pourquoi nous pouvons à présent, dans la lumière de la Résurrection, la regarder en face avec joie et triomphe, et pouvons ne plus avoir peur du mal, car il fond « comme la cire devant le feu ». Dans la lumière de Pâques, ayons le courage de pas nous détourner de toutes ces horribles manifestations du mal qui nous entourent à cause de la mort d’un proche, à cause de la guerre en Ukraine, en Syrie, en Afrique, à cause de millions d’enfants qui ne sont pas nés et qui ne verront jamais la lumière de Dieu, à cause des souffrances et des épreuves quotidiennes.

Conscients de tout cela, nous reprenons courage, car Il a vaincu la mort par la mort. « Et si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Romains, 8,11).

Cela vaut la peine de regarder tout ce que nous vivons à la lumière même de la Résurrection et de la victoire absolue. Nombre d’entre vous souffrent de la rupture des relations avec leurs proches, du fait de l’éloignement. Il y a un sentiment de perte des relations, de perte de la vie habituelle ; certains se sentent comme des étrangers dans la société, et nous observons des isolements intergénérationnels dans les familles, un grand nombre de drames personnels et/ou communautaires. Nous voyons les souffrances d’innocents, que nous ne pouvons expliquer, qui sont mortelles, tragiques, douloureuses et qui sont difficiles à accepter.

La mort et la résurrection du Christ ne remettent pas en question nos souffrances, mais elles les transforment. Elles nous donnent la possibilité de voir un tableau plus large des desseins de Dieu pour notre vie, de voir son amour, sa miséricorde, mais aussi notre vocation, car « les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous. » (Romains, 8,18).

Aujourd’hui, nous répondons au joyeux et victorieux « Christ est ressuscité » par des mots qui témoignent de notre foi en ce fait : « Il est vraiment ressuscité ».  Ces paroles affirmatives sont les paroles du triomphe de la vie sur la mort, de la victoire de Dieu sur le péché, de notre foi en la vie éternelle et de l’espérance en la Résurrection.

Cette réponse est simple et concrète.

Mais croyons-nous vraiment que la résurrection ne concerne pas seulement le Christ, mais aussi nous-mêmes, ainsi que nos morts ? Croyons-nous qu’ils ont et que nous avons la vie éternelle ? Que le Christ a, par sa mort, vaincu la mort de l’homme, et plus concrètement notre propre mort ? Et que viendra le temps, où Dieu « essuiera toute larme de [nos] yeux : de mort, il n’y aura plus ; de pleurs, de cris et de peines, il n’y aura plus » (Apocalypse, 21, 4), « afin que Dieu soit tout en tous » (1 Corinthiens, 15, 28) ?

Dans la lumière de cette grandiose et victorieuse fête que nous fêtons aujourd’hui, trouvons-en nous le courage et la force de dire : « Oui, je crois », afin que nous puissions chanter avec une conviction absolue et une profonde espérance :

 

« Le Christ est ressuscité des morts,

Par la mort il a vaincu la mort,

À ceux qui sont dans les tombeaux,

Il a donné la vie ».

 

 

Donné à Munich, Londres, Paris, Rome et Kyïv,

Le 20 mars 2018

 

Mgr PETRO (Kryk) Exarque Apostolique pour les Ukrainiens d’Allemagne et de Scandinavie

† Mgr Hlib (Lonchyna) Évêque de l’Éparchie de la Sainte Famille de Londres pour les Ukrainiens, Visiteur Apostolique pour les Ukrainiens d’Irlande

† Mgr Dionisio (Lachovicz) Visiteur Apostolique pour les Ukrainiens d’Italie et d’Espagne

Mgr Borys (Gudziak) Évêque de l’Éparchie Saint-Volodymyr le Grand de Paris pour les Ukrainiens, Visiteur Apostolique pour les Ukrainiens de Suisse, des Pays-Bas et du Benelux

†Mgr Josyf (Milian) Évêque auxiliaire de Kyïv, Chef du département de la Pastorale des Migrants de l’Église gréco-catholique ukrainienne