Aux très éminents et éminents archevêques et évêques,
aux révérends et honorables pères,
aux révérends et révérendes moines et moniales,
aux bien-aimés fidèles dans le Christ
de l’Église gréco-catholique ukrainienne
Le Christ est ressuscité !
Des entrailles vierges a surgi le premier-né, le Christ,
Homme, Il est appelé l’Agneau
Et l’immaculé parce qu’il n’a pas connu l’atteinte du péché,
Il est—notre Pâques, et vrai Dieu, Il est dit parfait.
Chant 4, Canon du Pâques
Aujourd’hui, en Ukraine comme dans les terres d’accueil, nous nous saluons à nouveau les uns les autres avec cette fête lumineuse de la Résurrection du Christ. «Le Christ est ressuscité » : cette salutation porteuse de la Bonne Nouvelle, marque, pour nous chrétiens, le début et la fin de notre prédication, elle est le cœur de notre foi, le fondement de notre espérance et l’accomplissement de l’amour. C’est la troisième année que nous accueillons la Pâque du Christ dans le contexte, nouveau pour le peuple ukrainien, de son chemin de croix—contexte de guerre et des outrages des forces du mal—mais ce jour renouvelle à chaque fois l’espérance des enfants de Dieu confiants en sa victoire sur les assauts du diable, du mensonge et de la haine.
Des entrailles vierges a surgi le premier-né, le Christ, Homme, Il fut appelé l’Agneau.
Quelle profondeur inexplicable de la miséricorde de Dieu pour les hommes ! Dieu ne s’est pas détourné de la créature qu’Il a créée, Il n’a pas oublié « l’œuvre de sa main » (Anaphore de la Liturgie de Saint Basile Le Grand). Dans l’histoire des hommes, au moment de la fracture, le Créateur de tout l’univers est entré silencieusement, sans annonce grandiose dans leur histoire humaine, de façon incroyable et inattendue. Le Fils unique de Dieu devint le premier-né de la Vierge de Nazareth, afin que, saint unique et immaculé, sans la tache du péché, il s’offrît comme victime pour le salut du genre humain.
Dieu a-t-il besoin de sacrifice humain ? Certainement, non ! Mais nous, qui avons été créés à son image et à sa ressemblance, avons besoin de nous consacrer à Lui, d’ordonner notre vie conformément à ses commandements, de reconnaître que tout ce que nous sommes Lui appartient. Le seul capable d’apporter un sacrifice parfait au Père céleste fut le Dieu fait homme, Jésus le Christ, l’Agneau sans tâche, qui, bien qu’innocent, s’offrit à Dieu pour toute l’humanité, et qui, par sa Résurrection d’entre les morts, nous a préparé le chemin de la vie éternelle.
Il est notre Pâques, et, vrai Dieu, Il est dit parfait.
La Pâque de l’Ancien Testament rappelle l’événement connu de la libération du peuple élu du joug des Égyptiens lorsque l’Ange de la mort épargna chaque maison dont les portes étaient marquées du sang de l’agneau pascal. Précisément, la première signification du mot hébreux « pesakh » qui donna son nom à la fête renvoie à l’image de la punition qui « passe » et qui « épargne ». Ainsi, lorsque nous chantons que le Christ est notre Pâque, nous exaltons Celui grâce à qui nous pouvons échapper aux conséquences de nos fautes, si nous décidons fermement de sortir de la servitude du péché, si nous nous repentons et si nous suivons le chemin de son Évangile. Parce qu’Il nous a sauvés par son sang ! « Sachez que ce n’est par rien de corruptible, argent ou or, que vous avez été affranchis de la veine conduite héritée de vos pères, mais par un sang précieux, comme d’un agneau sans reproche et sans tache, le Christ, discerné avant la fondation du monde et manifesté dans les derniers temps à cause de vous. » (I Pi 1, 18-20).
Cette parole de salut, tout ne monde ne la considère pas avec sérieux. Parler du Christ Jésus, l’Agneau immolé sur la croix, pose problème dans le contexte contemporain comme c’était déjà le cas à l’époque des premiers chrétiens. Conscient de ce fait, Saint Paul disait : « Le langage de la foi est en effet folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, pour nous, il est puissance -de Dieu. Car il est écrit : Je détruirai la sagesse des sages, j’anéantirai l’intelligence des intelligents. » (I Cor 1,18-19). Bien que l’Évangile soit proclamé depuis plus de 2000 ans, il arrive souvent que le monde, même celui qui s’estime chrétien, ne comprenne que le langage de la richesse, de la force, des armes, du pouvoir. Les manifestations de la folie des puissants de ce monde ne disparaissent jamais de l’arène de l’histoire. Elles revêtent au contraire diverses formes : empires, royaumes, unions, fédérations—et ont à leur tête des personnes qui se prennent pour Dieu et qui proposent leur propre bassesse comme critère de vérité.
En revanche, dans chaque génération, se trouvent au même moment ceux qui voient le chemin de Dieu, ceux qui savent être les agneaux silencieux de Dieu dans l’histoire de leur peuple, ceux qui héritent de l’obéissance de Dieu, de sa douceur et de son esprit de sacrifice, ceux qui ont conscience que les croix et les souffrances passent mais que sans elles, il n’y a pas de Résurrection. Ainsi, dans les circonstances actuelles, des milliers de fils et de filles de notre peuple offrent leur vie pour notre liberté et notre indépendance. Dans le Christ ressuscité, l’Agneau innocent nous révèle la valeur pascale de leur sacrifice pur qui mène hors de la maison d’esclavage et—se dévoile aussi le sens de la souffrance de toute l’Ukraine à l’aube de ce nouveau millénaire.
La force et la sagesse de Dieu se manifestent le plus souvent dans la faiblesse et l’infirmité. C’est pour cette raison que nous ne devons ni dévier ni nous démotiver de notre lutte parce que, ce contre quoi nous luttons, ce sont les manifestations de l’esprit impur qui tremble et fond sur la terre, qui écume en se roulant parce qu’il sait que dans le sang de l’Agneau se trouve sa fin. (Mc 9, 7-27) Le Christ ressuscité qui, par sa passion et sa mort, nous conduit à la résurrection et à la vie éternelle, vient à nous aujourd’hui, nous montrant ses plaies dans son corps glorifié. Il nous dit, comme autrefois, aux apôtres terrorisés : « Pourquoi tout ce trouble ? Et pourquoi des doutes s’élèvent-ils dans vos cœurs ? » (Lс 24, 38)
Combien d’ « impossible » n’avons-nous pas déjà vécu qui sont devenus « possible » pour ceux qui se sont maintenus fermement dans la foi du Christ Ressuscité ! Il y a 70 ans, le Malin avait à nouveau conçu de crucifier notre peuple et de chasser notre église en l’envoyant dans la tombe. Mais à l’étonnement du monde entier, elle est ressuscitée et est devenue plus forte qu’elle ne l’a jamais été de son histoire. Lors du pseudo-concile de Lviv de 1946, l’ennemi s’est efforcé de l’arracher par la violence à son union avec le Successeur de l’apôtre Pierre. Mais, nous, aujourd’hui, sommes les témoins vivants que le sang des martyrs et confesseurs de la foi de notre Eglise a scellé pour les siècles cette unité catholique et qu’il est devenu force d’immortalité, de résurrection pour l’Ukraine, signe d’unité pour son peuple et élan pour le renouveau de la société. Précisément, ce témoignage de foi dans la Résurrection rend possibles et vraies l’union des églises d’Ukraine, la renaissance de l’Eglise unique de la chrétienté de Kiev transmise en héritage par le Prince Volodymyr, l’égal des apôtres.
Bien-aimés en Christ ! Le Christ Ressuscité nous appelle à la perfection. Lui seul est source de toute perfection, Lui—notre Sauveur, rendant le fruit de nos efforts achevé, réellement précieux et solide. Alors que nous sommes encore loin de la perfection, alors que notre pays n’est pas encore tel que nous l’avions rêvé, ne refusons pas nos efforts—pour construire, vivre et lutter pour Dieu et l’Ukraine—parce que le Christ est notre Pâque.
Je vous salue tous aujourd’hui avec la victoire spirituelle du Christ Jésus sur la puissance de nos ennemis et le règne du mal. Une fois encore, à vous tous, que vous soyez en Ukraine ou en des terres d’accueil, je vous envoie mes salutations cordiales. Je vous souhaite, sincèrement, des Fêtes de la Résurrection du Christ remplies de grâce, un délicieux repas béni ainsi qu’une joie pascale lumineuse.
Que la grâce du Seigneur Ressuscité, notre Christ, que l’amour de Dieu le Père, dans la communion de l’Esprit Saint soient avec vous tous.
Le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité !
† SVIATOSLAV
Fait à Kiev,
en la cathédrale patriarcale de la Résurrection du Christ
le 20 mars 2016
Traduction : Paroisse Saint Michel Archange, Lille-Croix