L’Eglise gréco-catholique et le peuple d’Ukraine sont très reconnaissants à l’épiscopat et au peuple français pour leur prière de soutien et de leur solidarité

1. La nature de la révolution de la dignité : (Novembre 2013/ février 2014)  le peuple cherche à se libérer du passé soviétique et à construire un avenir, basé sur des valeurs, qui sont les valeurs fondatrices de la communauté européenne : liberté, respect de la dignité des peuples, justice et égalité devant la loi.

2. Entre décembre et février, le Conseil Pan-ukrainien des Églises et organisations religieuses (regroupant toutes les Églises et toutes les confessions) a énoncéunanimement les 4 points suivants :

– Le gouvernement doit écouter et respecter le peuple

– Aucune violence de la part du gouvernement sur le peuple

– Toute la rhétorique et l’action pour diviser le pays est immorale

– Le dialogue est le seul moyen pour sortir de la crise

En mars, toutes les églises et confessions religieuses (l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou, les juifs et les musulmans y compris) ont dénoncé l’annexion de la Crimée.

Depuis le mois d’avril et l’invasion dans l’est du territoire national, toutes ont béni l’armée Ukrainienne afin qu’elle protège et défende le pays. Alors que le Patriarcat à Moscou soutient lui, la politique du président de la Russie.

3. En Crimée, la pression est de plus en plus forte, sur les catholiques romains, les gréco-catholiques et spécialement les Tatars de Crimée subissent des menaces. Des musulmans tatars ont été lynchés. Les communautés religieuses ont l’obligation, d’ici à la fin de l’année, de se réenregistrer ; et ce n’est pas clair, si toutes obtiendront un statut légal de la part des autorités russes. La semaine dernière, un prêtre catholique romain a été expulsé de Crimée et tous les prêtres gréco-catholiques ont été forcés de s’exiler dès le début de l’annexion. Les prêtres remplaçant sont à leur tour menacés.

4. Raisons de l’agression de la Russie contre un pays souverain : le président de Russie ne peut tolérer le mouvement de liberté et une société civile active. En Ukraine, il y a la démocratie, la tolérance, et la tolérance religieuse, la liberté de parole et des médias. Les autorités russes ont peur que cela puisse se passer en Russie.

5. En Ukraine orientale, il ne s’agit PAS d’une guerre civile, la population est face à des groupes terroristes, qui reçoivent le soutien et les renforts de l’armée régulière russe.

– Des millions de gens sont les otages de ces terroristes

– La crise humanitaire est latente. Sans électricité, ni gaz, ni les autres ressources de première nécessité, dans les grandes villes – c’est la mort probable pour beaucoup de personnes civiles dans l’hiver qui est là.

– Les élections dans les territoires occupés ne reflètent pas le libre choix de la population, elles ont lieu sous la menace.

6.  Poutine n’a pas changé de tactiques, il attend seulement de profiter du moment le plus opportun, créant toujours une blessure ouverte pour déstabiliser la société, le sens d’un peuple uni et le gouvernement de l’état. Pour créer une situation qui lui soit plus propice, il dissémine en Ukraine, et dans le monde, via la propagande et les médias sociaux, le désenchantement et la défiance.

– Programme minimum : détruire l’unité des Ukrainiens

– Programme maximum : déstabilisation de la situation politique dans le but d’amener un nouveau gouvernement à capituler devant la Russie.

– Il faut dissiper l’illusion entretenue par certains catholiques, aussi en France, qui voudrait que Poutine défend la vie chrétienne traditionnelle et que la Russie est un lieu de christianisme conservé. En Russie, la pratique dominicale est de l’ordre de 2 à 3%. Le nombre des naissances est plus bas qu’en France et le nombre des avortements et de divorces bien plus élevé.

– Les Ukrainiens se sentent abandonnés par les  Européens. Ils leur semblent que l’Europe renverrait bien l’Ukraine dans la sphère d’influence russe, si cela pouvait calmer la Russie ou permettre de maintenir des relations commerciales « normales ». Cela entraine deux conséquences :
a) l’Europe fait le minimum afin d’éviter un soutien de grande envergure envers l’Ukraine. b) reçoit les faiblesses de l’Ukraine et chacune de ses erreurs comme une excuse pour éluder toute action décisive. Cependant cette tactique ne peut qu’inciter Poutine à la poursuite de ses efforts. La communauté européenne doit être unie face aux sanctions contre la Russie et pour soutenir les changements démocratiques. Il s’agit d’une guerre contre l’idée même de l’Europe et de son projet.

– Filtrage de l’information – les médias français sont influencés par la propagande russe

7. Le mal peut être vaincu uniquement grâce à des efforts communs, c’est pourquoi, l’Ukraine a besoin de la solidarité européenne claire et constante.

8. Après les dernières élections législatives, apparait une lueur d’espoir : le parlement ukrainien ne compte plus de communistes, ni de nationalistes ultras dans ses rangs. C’est un événement sans précédent non seulement en Ukraine, mais dans toute l’Europe, particulièrement quand on compare avec les succès des nationalistes dans les parlements de beaucoup de pays européens. Cela confirme, que l’Ukraine, fait partie de l’Europe, la meilleure que l’on puisse imaginer, thèse développée dans la lettre des intellectuels européens adressée à leurs gouvernements à propos de l’EuroMaïdan (publiée dans le Guardian le 3 janvier 2014). En même temps l’Ukraine se sent en quelque sorte abandonnée par l’Europe ; ce qui représente un paradoxe ironique. L’Europe ne peut se porter au secours de son meilleur  élève qui défend les valeurs, que l’Europe considère ses valeurs fondatrices.

9. Cette dernière année a montré une conscience spirituelle accrue, une présence forte de l’Eglise et le respect qu’elle suscite à travers la société ukrainienne. On peut parler explicitement des valeurs spirituelles de la société, de son renouveau dans la politique et dans les affaires religieuses et publiques. L’église gréco-catholique a pris le leadership pour énoncer une doctrine catholique sociale pour l’Ukraine contemporaine. Les autres églises et confessions religieuses ont également réouverts le dialogue avec la société.

10. Il est clair que la grâce du Seigneur est à l’œuvre et que la dignité que le peuple réclame est bien la dignité qu’il leur est donnée par le Seigneur. Ils sacrifient leur vie pour cette dignité et pour la place de cette dignité dans l’Europe.

Lourdes, Monseigneur Borys Gudziak                                                      6 Novembre 2014