Homélie de Mgr Hlib Lonchyna pour le dimanche des saintes femmes Myrrhophores

Ac 6,1-7 ; Mc 15,43–16,8

C’est vrai de nous tous : en général, nous n’aimons ni les conflits, ni les ennuis, ni la souffrance. Mais, bien évidemment, il faut admettre que ce sont les épreuves et même les souffrances qui, souvent, nous incitent à agir.

Si nous regardons vers le passé, historiquement ce sont les hérésies qui ont donné l’occasion aux Pères de l’Église de formuler les dogmes de la foi. Une tragédie peut mener à une action de charité et à la prise de conscience de ce qu’il faut entreprendre. Quand une personne touche le fond, cela peut la stimuler à se reprendre en main et modifier sa vie.

La parole de Dieu que nous venons d’entendre aujourd’hui nous enseigne quelque chose de semblable. Nous voyons que les plaintes des veuves de langue grecque ont inspiré les apôtres à partager leurs tâches. Depuis la condamnation et la mort de Jésus, les femmes myrrhophores – porteuses de myrrhe – ont dû chercher un sens à leur vie. Enfin, après avoir vu l’ange qui leur avait annoncé la résurrection du Christ, il fallait qu’elles parviennent à vaincre leur peur.

Dans la première communauté chrétienne de Jérusalem, comme il est dit dans les Actes des apôtres, « les frères de langue grecque récriminèrent contre ceux de langue hébraïque, parce que les veuves de leur groupe étaient désavantagées dans le service quotidien » (Ac 6,1). Il ne s’agissait probablement pas d’une rivalité entre ces deux groupes, mais plutôt d’une incompréhension du fait des langues différentes.

Les apôtres cependant ont saisi cette occasion pour redistribuer les tâches au sein de la communauté. Tous avaient pu servir les pauvres, mais tous n’avaient pas pu se vouer « à la prière et au service de la Parole » (v. 4). « Les Douze convoquèrent alors l’ensemble des disciples » (v. 2) qui ont discuté la question, cherchant une solution pacifique pour éviter la rupture parmi les diverses factions de la communauté. Par ailleurs, cette crise s’est achevée par la création du diaconat, formalisé par la suite, établissant le premier rang du ministère hiérarchique sacramentel de l’Église : le diaconat, le presbytérat, l’épiscopat.

Les femmes myrrhophores ont été bouleversées par la condamnation à mort de leur Maître et Sauveur. Mais cet évènement choquant n’a pas fermé leurs cœurs. Elles ont voulu rendre un dernier service au Seigneur bien-aimé – hélas, complètement inutile et superflu – à savoir, oindre le cadavre de Jésus avec de la myrrhe. Cela ne servait à rien car le corps était déjà allongé depuis trois jours dans le tombeau. En outre, elles n’avaient pas pensé à demander l’aide des hommes pour rouler la pierre. Aussi, le long du chemin, préoccupées, elles se demandaient : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » (Mc 16,2).

Mais les femmes myrrhophores n’ont pas un esprit mercantile. Elles n’accordent pas d’importance au prix des parfums, ni au fait de perdre leur temps ou d’être peut-être mises devant l’impossibilité d’entrer dans la sépulture. Car elles étaient guidées par leur amour du Seigneur. Cette démarche n’est pas celle de tous les jours. Elle dépasse les confins ordinaires de notre intelligence et nous propulse vers de nouveaux horizons. L’amour pour Dieu a libéré les femmes des contraintes habituelles de la vie en les conduisant vers la vraie liberté, la liberté qui s’incarne dans le service du Seigneur. Jésus les a récompensées par la mission d’évangéliser les apôtres en leur annonçant la bonne nouvelle que le Christ était ressuscité.

Cependant, l’évangile nous dit qu’à la fin les femmes « ne dirent rien à personne, car elles avaient peur » (v. 8). De nouveau, nous nous trouvons devant une crise humaine, marquée par la peur, l’incompréhension, la surprise. Mais d’autres récits évangéliques nous apprennent qu’ayant vaincu la peur, elles ont pu annoncer la bonne nouvelle. C’est le fait d’avoir traversé cette crise humaine qui leur a donné la force de ne pas permettre que quoi que ce soit puisse désormais les détourner de marcher à la suite de Jésus, sur le chemin où il voudra les emmener.

Chers sœurs et frères, comme la première communauté de Jérusalem, cherchons, nous aussi, à réagir positivement aux épreuves de la vie ; prenons exemple sur les femmes myrrhophores qui ont pu sortir d’une situation de crise en refusant de se laisser dominer par la peur.  Que l’amour fou du Christ nous inspire toujours la bonté, la charité et l’harmonie – dans nos familles, notre paroisse, et au cœur de la société civile.
Tout est possible : car le Christ est vraiment ressuscité !

Paris, Paroisse catholique russe de la Très-Sainte-Trinité, le 16 mai 2021