« Réjouis-toi, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 1,28).
Cette salutation faite par l’archange Gabriel à la Vierge Marie a une longue préhistoire dans l’Ancien testament. C’est en des termes semblables que les prophètes annoncent la libération d’Israël par l’intervention de Dieu. Le livre de Sophonie fait état de ce message, plein d’espoir :
« Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem ! » (So 3,14).
Le prophète invite à la joie car il annonce une bonne nouvelle :
« Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi, il a écarté tes ennemis. Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur » (So 3,15).
La prophétie annonce la victoire sur les ennemis d’Israël, mais sa signification ne se limite pas aux évènements historiques, elle va beaucoup plus loin : il s’agit de la libération du péché, offerte par le Seigneur.
Eh bien, cette prophétie s’accomplit devant nos yeux. Par l’Annonciation de la Vierge Marie, Dieu nous donne cette libération en annonçant la nativité de Jésus Christ.
L’expression clé de l’archange, garantissant la vérité de la parole de Dieu, se trouve dans la phrase : « Le Seigneur est avec toi ».
Il est difficile de comprendre ces mots, et encore plus difficile d’en éprouver la joie, car nous ne voyons pas Dieu, nous n’entendons pas sa voix, nous ne sentons même pas toujours sa présence parmi nous. Néanmoins, nous croyons en la présence de Dieu même lorsque nous ne la sentons pas.
Pour cette raison, il est important de bien saisir ces premiers mots : « Réjouis-toi ». La réjouissance nous apporte le goût de la vie. Mais attention ! Je ne parle pas de la gaieté, de l’insouciance, je parle de la joie en tant que don du Saint Esprit. Ne nous réjouissons pas simplement parce que tout va bien pour nous, parce que nous sommes contents de notre vie, et que nos affaires marchent bien. Non, réjouissons-nous parce que le Seigneur est toujours avec nous – même au cœur des tragédies.
Certes, nous n’avons vraiment pas de raison d’être heureux en voyant la guerre injuste et inhumaine qui se déroule en Ukraine aujourd’hui. Au contraire, nous sommes plutôt saisis de détresse en constatant qu’elle fait des millions de victimes : enfants, familles, volontaires, soldats, – voire même des soldats russes, tous ces jeunes gens aveuglés par la propagande et les mensonges de leurs dirigeants sans scrupule et sans morale. Bien évidemment, cela ne peut qu’engendrer une grande tristesse.
Néanmoins, nous devons nous réjouir dans la conviction que Dieu n’abandonne pas ses enfants. Une hymne liturgique byzantine pour la fête de l’Annonciation dit :
« Le mystère caché depuis toute éternité se révèle aujourd’hui. Aujourd’hui le Fils de Dieu devient le fils de l’homme, afin qu’en acceptant le pire, il nous donne le meilleur. Adam une fois s’est laissé tromper : il a voulu devenir Dieu – et ne l’était pas devenu. Dieu s’est fait homme pour diviniser Adam. Que les créatures soient dans la joie ! Que la nature se réjouisse, car l’archange se tenant dans la crainte devant la Vierge lui apporte une joie incompatible avec la peine ! Ô notre Dieu, toi qui t’es fait homme par miséricorde, gloire à toi ! »
Chers sœurs et frères, voici le message de l’Annonciation.
Se réjouir signifie tenir bon dans la foi, avoir la certitude intérieure d’être les bien-aimés du Seigneur, avoir confiance que Dieu est plus fort que les péchés humains ; il nous soutient dans les difficultés. Avoir confiance en Dieu malgré toutes les vicissitudes de la vie, c’est se réjouir dans l’Esprit. C’est aussi le message des Béatitudes. Quand on vit de la foi et quand on donne de la joie aux autres, cela fait naître la joie en nous-mêmes. La joie dans l’Esprit a aidé la Mère de Dieu à rester inébranlable dans sa foi, surtout quand son Fils était pendu sur la croix. Persévérons encore et toujours dans notre foi : à l’exemple de Marie, que notre confiance dans le Seigneur grandisse et se fortifie !
Vivons donc la joie de l’Annonciation. Recevons cette annonce qui nous est faite aujourd’hui : la joie de l’Esprit Saint nous est donnée pour remplir nos cœurs et nous vivifier.
Versailles, cathédrale Saint-Louis, le 25 mars 2022