La liberté est un don inscrit au plus profond de l’être humain par notre Créateur – Sa Béatitude Sviatoslav – 28 septembre 2022

Secrétariat du Primat de l’EGCU (Église gréco-catholique ukrainienne) – Rome

Sa Béatitude Sviatoslav Shevchuk – Archevêque Majeur 

Gloire à Jésus-Christ !

Chers frères et sœurs en Christ ! 

Nous sommes aujourd’hui le mercredi 28 septembre 2022. Et la terre ukrainienne brûle pour le 217ème jour. Depuis 217 jours, une grande guerre est livrée contre le peuple ukrainien ; c’est une période de douleur et de souffrance terribles, mais une période de grand courage, de résilience et d’héroïsme pour tant de personnes d’âges et de conditions différents.

Hier, toute la ligne de front a été à nouveau en feu : du nord-est de l’Ukraine jusqu’à la côte de la mer Noire. Selon les rapports de ce matin, l’ennemi a lancé plus de 10 missiles de croisière, effectué 17 frappes aériennes, plus de 105 frappes de lance-roquettes. Il a infligé des coups d’une gravité variable à 40 zones peuplées d’Ukraine, visant pour la plupart des maisons paisibles et l’infrastructure essentielle de nos villes et villages. La plupart des bombardements ont été infligés à Kharkov, Mykolaïv, dans le Donbass à Slovyansk et Kramatorsk. Nikopol dans la région de Dnipropetrovsk a été bombardé deux fois.

Chaque tir – c’est du sang humain versé. Et à Dieu ne plaise, que nous devenions insensibles à la souffrance humaine lorsque nous entendons ces chiffres quotidiens.

Mais l’Ukraine tient bon ! L’Ukraine se bat ! L’Ukraine prie !

Aujourd’hui, je voudrais commencer notre réflexion avec vous sur ce qui est à la source de notre résilience. Car le monde entier s’étonne que l’Ukraine tienne dans cette lutte inégale depuis déjà 8 mois. D’où vient cette force ? D’où vient cette inviolabilité ?

Pendant cette guerre, en communiquant avec nos soldats, avec ceux qui ont été en captivité en Russie, dans les geôles russes, en communiquant avec nos réfugiés, les personnes déplacées, avec nos religieux et religieuses, notre clergé, d’une certaine manière, j’ai senti qu’il y avait certains principes, certains fondements à cette résilience. Peut-être ne pouvons-nous pas encore tout comprendre aujourd’hui. 

Mais il y a quelque chose qui nous donne vraiment la force de tenir bon. Il existe un vrai point d’appui sur lequel nous pouvons nous appuyer. Et dans les jours à venir, je veux réfléchir avec vous sur ces principes de résilience et d’inviolabilité du peuple ukrainien qui se sont si clairement manifestés au cours de ces derniers mois de la grande lutte.

Et aujourd’hui, je voudrais réfléchir avec vous sur le 1er principe de cette résilience, qui sont notre sens national de la liberté, et notre volonté de liberté. Nous avons le sentiment qu’il y a quelque chose qui distingue peut-être le caractère ukrainien des nations et des peuples d’autres États. Il ne s’agit pas ici d’un groupe ethnique en particulier, mais de tous les habitants de l’Ukraine. Il s’agit du fait que nous avons tous un sentiment et un désir innés d’être libres ; il s’agit de la conscience que nous sommes des enfants de Dieu, et non des esclaves des illusions humaines.

Historiquement, il est arrivé qu’à l’époque moderne, des personnes libres vivent sur le territoire de l’Ukraine. D’abord en tant que communauté, puis en tant que société, puis en tant qu’État. Et nous comprenons que c’est aussi notre vocation chrétienne – le chemin vers la liberté réelle, véritable et complète.

Il ne s’agit pas d’une sorte d’anarchie, du désir de faire ce que l’on veut, mais d’une profonde compréhension nationale selon laquelle la liberté est la capacité et le droit de faire le bien. Être libre pour une personne signifie être humain. Lorsque quelqu’un vole la liberté d’une personne, il lui vole son caractère d’humain, et par conséquent, il détruit son humanité.  

La liberté est donc un don inscrit au plus profond de l’être humain par notre Créateur, car la plénitude de la liberté n’existe qu’en Dieu. L’homme est créé à l’image et à la ressemblance de cette liberté totale, éternelle et divine. Par conséquent, être soi-même, être humain, c’est avoir la possibilité et le droit de faire le bien. Ce type d’amour de la liberté et de conscience, la vocation à cette liberté du peuple ukrainien, a toujours été quelque chose de terrible pour chaque tyran, chaque occupant qui est venu sur la terre ukrainienne. Mon grand prédécesseur, Sa Béatitude Liubomyr, a dit la phrase suivante : « Les dictateurs ont moins peur des émeutes de la faim dans leurs pays que des gens libres : ceux qui ont faim peuvent être achetés, mais ceux qui sont libres peuvent être seulement tués. »

Beaucoup de ceux qui ont été en captivité en Russie, ou dans les geôles russes, ont eu le sentiment qu’eux-mêmes, pieds et poings liés, les yeux bandés, étaient plus libres – vivaient dans un niveau de liberté plus élevé que leurs bourreaux. Et c’est de là que vient la haine de l’occupant russe envers un Ukrainien libre. Parce que cet occupant est un esclave, l’esclave des illusions humaines de ses dictateurs.

Il le comprend quelque part au plus profond de son cœur.

Aujourd’hui, en tant que nation, nous réalisons que la liberté exige le courage d’assumer la responsabilité de notre bien commun. Il s’agit d’un principe très important que de nombreuses personnes en Ukraine, des plus petites aux plus grandes, comprennent aujourd’hui : nul ne peut priver une personne de sa liberté. Seule la personne elle-même peut donner sa liberté, sa liberté personnelle. Peut y renoncer, peut la fuir. Fuir cette responsabilité n’ayant pas le courage de l’assumer. Le peuple ukrainien a démontré qu’il avait le courage d’être libre.

Ces jours-ci, je me suis souvenu d’une phrase d’une religieuse âgée que je connais, depuis Les années de la persécution soviétique, période où nous considérions le monde de l’Ouest, derrière le rideau de fer, comme le monde libre. Entendant qu’aujourd’hui, certains politiciens ou autres personnalités du monde libre sont si dépendants de l’argent russe et que le prix de l’énergie russe a parfois plus de valeur que la liberté, elle s’est écrié  : « Ah, il semble que parmi les riches de l’Occident, il y ait plus de gens affamés qui se laissent acheter que de gens libres qui sont prêts à apprécier et à défendre la liberté. »

Ô Dieu, Tu nous as donné notre liberté comme une vocation à la plénitude de notre capacité à faire le bien. Aide-nous à réaliser cette vocation. Ô Dieu, aide-nous à avoir le courage d’être libres ! Ô Dieu, aide l’Ukraine aujourd’hui à tenir bon dans cette lutte inégale ! Ô Dieu, bénis notre armée ukrainienne ! Ô Dieu, accorde à notre Ukraine la liberté et Ta paix céleste bénie !

Que la bénédiction du Seigneur soit sur vous avec Sa grâce et Son amour pour l’humanité pour toujours et à jamais. Amen

Gloire à Notre Seigneur Jésus-Christ !

+ Sviatoslav