La guerre de la russie en Ukraine est une guerre coloniale. Nous avons affaire à un plan résolument génocidaire – declaration de Sa Béatitude Sviatoslav

Plus d’un an s’est écoulé depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la russie, une grande guerre qui a affecté chacun d’entre nous, bien qu’avec l’annexion de la Crimée et l’occupation d’une partie de l’Ukraine orientale, elle dure déjà depuis 2014. Ainsi, aujourd’hui, l’Ukraine n’est pas seule face à cette confrontation entre « l’humanité et la barbarie », le monde soutient les Ukrainiens, admire leur courage et veut comprendre les raisons de cette guerre, ses causes idéologiques et ses origines. Le livre « Dieu n’a pas abandonné l’Ukraine » est une conversation entre le Père et Chef de l’EGCU Sa Béatitude Sviatoslav et le journaliste polonais Krzysztof Tomasik à ce sujet*. L’une des principales questions que se pose le journaliste est « l’enjeu de cette guerre ? »

«Війна росії в Україні — колоніальна війна. Ми маємо справу з абсолютно геноцидним планом», — Блаженніший Святослав
Sa Béatitude Sviatoslav à Mykolaiv lors de sa visite pastorale dans le sud de l’Ukraine, le 17 octobre 2022 

« Aujourd’hui, pour les Ukrainiens, le mot « guerre » est synonyme de grande douleur. Dans le mot « guerre« , nous entendons les attaques des missiles et des drones russes, nous voyons les destructions et nous sommes conscients qu’en un instant, une ville entière peut disparaître, qu’une région entière peut devenir un champ de ruines. Pour certains peut-être, la guerre reste un jeu sur ordinateur. Mais en réalité, la guerre met en jeu des destins humains, le destin de nations et d’États entiers. C’est pourquoi, pour les Ukrainiens, le mot « guerre » signifie également grand crime, et que ceux qui ont déclenché la guerre sont des criminels.

Pour les Ukrainiens, le mot « guerre » signifie aussi génocide. Nous sommes une nation qui a survécu au génocide de 1932-1933, et nous en portons encore de grandes blessures : dans les vastes étendues de l’Ukraine, avec ses fertiles terres noires, les gens sont morts de faim. En 2022, nous avons commémoré le quatre-vingt-dixième anniversaire du Holodomor, dont l’objectif affiché était de priver les gens de leur droit à la vie, de les détruire parce qu’ils se considéraient comme un peuple à part. La même chose se produit à présent, car ceux qui viennent de russie en Ukraine aujourd’hui ne viennent pas seulement pour prendre la terre, mais aussi pour détruire ceux qui vivent sur cette terre ».

Sa Béatitude Sviatoslav parle de la nature génocidaire de cette guerre, des raisons pour lesquelles la russie cherche à détruire l’Ukraine et les Ukrainiens. Sa Béatitude la qualifie de coloniale, et voici pourquoi :

« Si l’on y regarde de plus près, il s’agit d’une véritable guerre coloniale. Tout d’abord, la russie ne reconnaît pas l’existence même du peuple ukrainien. Ils disent qu’être Ukrainien signifie être l’adepte d’une idéologie, que ce n’est pas une question d’ethnie ou de nationalité – que c’est l’idéologie du nazisme qui a fait de nous des Ukrainiens. Ils commencent donc une guerre pour nous dénazifier, c’est-à-dire pour que nous redevenions des russes. Nous avons affaire évidemment d’un plan absolument génocidaire, car la dénazification équivaut à l’extermination. Comment peut-on transformer quelqu’un en russe s’il ne l’a jamais été ? Nous sommes Ukrainiens depuis nos grands-pères et arrière-grands-parents. Nous avons notre langue, notre culture, notre histoire, nos Églises et, enfin, nous avons notre État.

Deuxièmement : il s’agit véritablement d’une guerre coloniale, parce que la russie est persuadée que l’État ukrainien n’a jamais existé, que nous n’avons pas le droit d’exister. Elle estime que l’État ukrainien, qui a émergé après l’effondrement de l’Union soviétique, était une erreur historique temporaire. Et maintenant, le grand « correcteur » qui réécrit l’histoire vient nous montrer – qui et ce que – nous devrions être. Il est constamment répété que l’État ukrainien est un « État en faillite » et qu’il n’a aucun sens, qu’il suffit de le pousser du doigt pour qu’il s’effondre. Avec de tels espoirs, le « correcteur et sauveur » russe a envahi l’Ukraine, espérant que tout s’effondrerait tout seul et qu’il serait accueilli avec des fleurs ; que pour les citoyens ukrainiens, leur état était une offense, et que ce faisant, il rendrait tout le monde heureux.

Troisièmement, la russie a toujours eu besoin de l’Ukraine pour sa grandeur. Pourquoi ? Parce qu’elle a volé les racines de notre conscience de soi. Elle nous a volé le Baptême, qui a été accepté par Volodymyr le Grand. Elle s’est appropriée l’histoire de la Rous’ de Kyiv. Elle a volé le rôle central et bâtisseur d’État de Kyiv. Chaque fois que quelque chose renaissait à Kyiv, dès qu’elle devenait un centre – ecclésiastique, religieux, culturel ou étatique – une « expédition punitive » envahissait toujours la ville depuis le nord et détruisait tout. 

Ils considéraient que la russie ne serait pas grande sans Kyiv. En d’autres termes, notre pays ne peut pas être un État distinct, mais seulement un territoire qu’ils revendiquent. En outre, ils affirment que géopolitiquement il s’agit d’une zone de la russie ou, pour utiliser la terminologie de l’Église, leur territoire canonique. C’est pourquoi, toute différenciation de la part des Ukrainiens est une insulte pour eux. Ils veulent transformer les Ukrainiens en russes, et c’est là toute la tragédie de cette guerre. »

Sa Béatitude Sviatoslav affirme que sous la présidence de Poutine, le système soviétique a en fait été ravivé en russie, de même qu’ont été réactivés les mythes soviétiques, sur lesquels une nouvelle politique revancharde a pu être construite :

« Par exemple, en commençant par la glorification de Staline et de Lénine, la renaissance de divers mouvements de jeunesse communistes, tels que les Pionniers, etc. La russie dispose toujours d’un parti communiste puissant. En même temps, Poutine a commencé à exploiter les stéréotypes qui, dans l’esprit de ces personnes, nivelaient leur complexe d’infériorité après l’effondrement de l’Union soviétique. Ravivant les mythes de la propagande soviétique sur la victoire de la Seconde Guerre mondiale, il a affirmé que la russie aurait vaincu Hitler même sans l’aide d’autres nations. Et qu’aujourd’hui, la russie, héritière de l’Union soviétique peut à nouveau menacer le monde, en utilisant, comme l’Union l’a fait autrefois, le chantage à l’arme nucléaire.

L’Ukraine, en raison d’un certain nombre de facteurs – situation géographique, développement culturel – a commencé à se rapprocher de l’Europe avec les nouvelles générations. Nous avons commencé à nous identifier de plus en plus à un pays européen, et c’est pourquoi cette guerre est le choc de deux tendances : en russie, la nostalgie du passé renaît – l’idéologie de Poutine ne contient pas d’idée d’avenir. Alors que l’Ukraine regarde résolument vers l’avenir, veut être un pays européen, parce que des millions d’Ukrainiens ont vu un monde différent et ont réalisé qu’ils ne voulaient plus vivre comme autrefois. L’Ukraine a choisi sa propre voie, celle d’un État indépendant. »

Sa Béatitude Sviatoslav souligne que l’indépendance et la liberté sont le choix fondamental du peuple ukrainien, qui se confirme chaque jour quoi qu’il arrive :

« Lorsque vous escaladez une montagne, vous voyez jusqu’où il vous reste encore à aller pour atteindre le sommet. Lorsque vous partez pour un long voyage, vous regardez la carte pour voir le chemin déjà effectué. Aujourd’hui, nous ne savons pas jusqu’où nous devons encore avancer et ce la distance que nous avons déjà parcourue. Mais plus la russie commet de crimes contre notre peuple – des crimes purs et simples – plus les Ukrainiens se mobilisent. Parce qu’ils disent : « Nous n’avons pas d’autre choix ». Nous apprenons à tenir bon, à persévérer et à ne pas abandonner. Nous apprenons à transformer ce grand malheur et cette souffrance en une expérience qui a un sens, un but et sa propre sagesse. Bien sûr, personne ne veut souffrir. Nous ne le voulons ni pour nous ni pour personne d’autre. Cependant, il existe un objectif plus élevé pour lequel nous sommes prêts à faire des sacrifices. Lorsque j’ai rendu visite à toutes sortes de personnes dans les régions d’Ukraine, personnes de paroisses variées, de diverses couches sociales, je n’ai jamais entendu quelqu’un dire : peut-être devrions-nous abandonner, peut-être cela fera-t-il moins mal ? Personne ! Parce que tout le monde a déjà vu ce que les russes ont fait à ceux qui se sont rendus. Nulle part je n’ai rencontré un tel état d’esprit : nous sommes fatigués, nous ne pouvons pas supporter la douleur, nous abandonnons. Au contraire, tout ceci provoque une juste colère dans la société ukrainienne. Une colère qui se transforme en courage. L’Ukraine a appris à se défendre, donc aujourd’hui nous sommes un pays en tout point différent de ce qu’il était, il y a encore quelques mois. »

Service d’information de l’EGCU
Le livre « Dieu n’a pas abandonné l’Ukraine » est paru en polonais le 23 février 2023.