Chers frères et sœurs en Christ !
Ces derniers mois, notre pays traverse des épreuves difficiles qui témoignent d’une crise profonde dans les relations entre la société et le gouvernement. La réticence des autorités à se mettre à l’écoute de l’opinion de la population a eu des conséquences tragiques.
Nous adressons nos condoléances les plus sincères aux familles endeuillées, les assurant de notre union de prières, nous nous solidarisons avec les familles des persécutés, nous sommes auprès des blessés, des opprimés, des bafoués et des méprisés. Aujourd’hui notre voix est uni à la voix de millions de citoyens de l’Ukraine qui crient vers le ciel pour réclamer la justice et la vérité, comme il est dit dans l’Évangile: « Cieux, répandez d’en haut votre rosée, et que les nuées fassent pleuvoir la justice! Que la terre s’ouvre et produise le salut, qu’elle fasse germer la justice en même temps!» (Is. 45: 8). De plus, nous tenons à souligner que la justice ne sera faite que lorsque toutes les plaies seront guéries, retrouvés tous les disparus, supprimées toutes les menaces pour les libertés et les droits fondamentaux de l’homme et de la nation dans son ensemble, et la confiance dans le gouvernement rétablie, sans laquelle il est impossible de construire un État de droit moderne.
Dans ces circonstances difficiles, nous sommes devenus les témoins d’une grande bonté humaine et d’une grande solidarité de notre peuple. Les jeunes, notamment les étudiants, les adultes, les personnes âgées, les femmes et les hommes, même des personnes handicapées sont sortis sur la place et les rues de Kyiv et d’autres villes et villages de notre pays, montrant une maturité civique et spirituelle, une volonté de se sacrifier pour l’amour d’une vie meilleure pour leur peuple. A toutes ces personnes, nous exprimons notre respect et notre gratitude, leur adressant les paroles de saint Paul : «Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, travaillant de plus en plus à l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail n’est pas vain dans le Seigneur. » (Co. 1 ,15 : 58). Nous tenons à distinguer en particulier les personnes qui, étant dans le service public, sont restés fidèles à la loi de Dieu et à la voix de leur conscience indépendamment des pressions ou des menaces, refusant de commettre des violences contre leur propre peuple. En fait, ils ont mis en œuvre une loi qui a guidé les premiers chrétiens à Jérusalem, qui, pendant les persécutions, disaient : «Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes.» (Actes 5 : 29).
Cependant, c’est avec douleur et une grande anxiété que nous observons les manifestations de violence, d’oppression et de harcèlement de manifestants pacifiques par les forces de sécurité d’Ukraine. Il est honteux et humiliant pour l’État lui-même, et il s’agit d’un fait bien connu, que les forces de sécurité ont commencé à agir en collusion avec les mercenaires criminels qui ont commis des violences et ont attaqué les manifestants, des médecins, des journalistes et même des citoyens ordinaires, y compris des personnes âgées et des enfants. Les actions visant à la suppression forcée des manifestations citoyennes pacifiques ne sauraient être justifiées par quoi que ce soit, et elles méritent une condamnation ferme et sans équivoque. Le gouvernement, qui fait semblant de ne pas entendre le cri de son peuple et essaie d’étouffer sa voix qui réclame le respect de leur droit par des coups de matraques et des tirs d’armes s’est engagé sur la voie dangereuse de la terreur et de la dictature, contrairement à sa vocation fondamentale : veiller à l’unité du pays, défendre sa souveraineté, et œuvrer pour le bien commun de tous les citoyens sans exception.
L’Eglise condamne toute effusion de sang et toute forme de violence, mais soutient le droit à manifester pacifiquement. Nous demandons avec insistance à toutes les parties du conflit : « Arrêtez l’effusion de sang ! Arrêtez la cruauté ! » Dans un État ukrainien civilisé et indépendant, le sang de ses propres citoyens ne doit pas être versé en temps de paix uniquement parce que les citoyens défendent leurs droits et libertés. Nous appelons les autorités à ne pas commettre des violences sur leur propre peuple, mais au contraire de commencer à respecter le peuple. Nous espérons que notre appel ne restera pas « une voix clamant dans le désert».
Aujourd’hui, de nombreuses personnes se tournent vers les Eglises avec une question directe ou indirecte: que faut-il faire? C’est cette même question que les contemporains posaient à Jean-Baptiste, et il leur répondait par la puissance de l’Esprit Saint, appelant au changement de cœur, à la conversion : «Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même. » Des publicains aussi vinrent se faire baptiser et lui dirent: « Maître, que nous faut-il faire ? » Il leur dit: « N’exigez rien au-delà de ce qui vous est prescrit. » Des soldats aussi l’interrogeaient, en disant: « Et nous, que nous faut-il faire ? » Il leur dit: « Ne molestez personne, n’extorquez rien, et contentez-vous de votre solde. » (Luc 3, 11-14).
Conscient que «notre secours viendra du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre» (Ps 121, 2), nous appelions à nos fidèles et à tous les hommes de bonne volonté à garder les commandements de Dieu, à ne faire le mal à l’égard de personne, à persévérer dans paix et le bien. Nous vous demandons d’être assidus dans la prière en communauté (paroissiale, monastique et familiale) et individuellement pour l’Ukraine, et nous proclamons une période de jeûne dans tous nos diocèses et exarchats en Ukraine. Nous ajoutons des directives pratiques sur la prière et le jeûne à cet appel, et nous demandons au clergé de les faire connaître et de les mettre en pratique. Avec le Métropolite Andrey Cheptytskyi, «Nous croyons et espérons que par la repentance, la prière sincère et la réception du Très Saint Sacrement, nous seront en mesure d’obtenir que Dieu permette de réduire le temps de l’expérience et de la souffrance, qu’Il pose un regard miséricordieux sur ses enfants, qu’Il leur permette d’endurer avec l’aide de la grâce la misère présente, et par Sa toute-puissante volonté, qu’Il daigne mettre un terme à notre souffrance » (Prière pour un meilleur sort pour le peuple ukrainien).
À un moment où nos yeux sont dirigés vers la capitale de Kyiv, nous sommes transportés par la pensée à la basilique Sainte-Sophie – la Sagesse de Dieu, où la Vierge Marie avec les bras levés au ciel intercède pour nous, demandant pour notre terre la bénédiction de Dieu et la paix de Dieu. C’est à elle, notre céleste Reine et Médiatrice, que nous nous confions, ainsi que notre pays, ses dirigeants, ses militaires – tous ceux qui vivent sur notre terre, priant les paroles de l’antique prière chrétienne : « Sous ta miséricorde nous cherchons refuge, sainte Mère de Dieu, ne dédaigne pas nos prières dans toutes les épreuves, mais délivre-nous du danger, O toi la seule pure, la seule bénie. »
La bénédiction du Seigneur soit sur vous !
Lviv-Bryoukhovytchi, le 31 Janvier 2014
Patriarche Svyatoslav (Chevtchouk)
Primat de l’EUGC , archevêque majeur de Kyiv et de Galicie
Son Éminence l’Archevêque Ihor (Voznyak)
Métropolite de Lviv
Son Éminence le métropolite Volodymyr (Viytychyn)
Métropolite d’Ivano -Frankivsk
Son Éminence Vassyl (Semenyouk)
Métropolite de Ternopil – Zboriv
Monseigneur Mykhayil (Koltoun)
Éparchie de Sokal – Zhovkva
Monseigneur Milan (Chachik)
Éparchie de Moukatchevo
Monseigneur Yaroslav (Pryriz)
Éparchie de Sambir – Drohobytch
Monseigneur Vassyl (Ivassyouk)
Exarque d’Odessa et de la Crimée, administrateur de Kolomyya et de Tchernivtsi
Monseigneur Josaphat (Hovera)
Exarque de Loutsk
Monseigneur Stepan (Menyok)
Exarque de Donetsk et de Kharkiv
Monseigneur Dmytro (Hryhorak)
Éparchie de Boutchatch
Monseigneur Tarass (Senkiv)
Évêque -Administrateur de Stryi
Monseigneur Bohdan (Dzyourakh)
Évêque de la Curie de l’archevêque de l’EUGC
Monseigneur Venedikt (Aleksiytchouk)
Evêque auxiliaire de l’Archidiocèse de Lviv
Monseigneur Nil (Louchtchak)
Evêque auxiliaire de l’éparchie gréco-catholique de Moukatchevo
Sa Béatitude Lyoubomyr (Housar)
Archevêque émérite